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Avoir un mode de fonctionnement cognitif à haut potentiel (surdoué, zèbre, HPI) signifie dans l’imaginaire collectif avoir des performances scolaires exceptionnelles.

C’est effectivement le cas d’une grande partie des enfants et adolescents appartenant à cette catégorie. Pourtant, une partie de ces jeunes HPI expérimente, temporairement ou plus durablement, des difficultés scolaires.

Les adolescents HPI ont une organisation spécifique au niveau affectif et cognitif. Ils ont donc parfois des profils d’apprentissage et/ou une attitude contraire aux attentes scolaires.

Le système éducatif méconnaît souvent les difficultés scolaires de l’adolescent HPI. Dans la typologie de Betts et Neihart des profils d’élèves HPI, seuls les types 1 (l’élève performant) et 2 (l’élève autonome) sont clairement identifiés et appréciés des enseignants.

Les autres types sont :

 

  • L’élève extraverti, très fréquemment provocateur. Il est très créatif. Il s’ennuie en classe et n’hésite pas à le montrer. Il ne se conforme pas au système scolaire.
  • L’élève inhibé, qui manque de confiance en soi et nie ses capacités.
  • L’élève sous réalisateur ou à risques : il est rebelle, fournit peu de travail et peut fréquemment devenir décrocheur.
  • L’élève avec troubles associés : Cet élève est perturbé, soit par des difficultés d’apprentissage (déficit d’attention avec ou sans hyperactivité, dysphasie, etc.), soit par un handicap physique ou émotionnel. Il ignore ses aptitudes intellectuelles.

Les élèves appartenant à ces quatre catégories sont au mieux ignorés, au pire tournés en dérision : « puisque tu es un génie, pourquoi tes résultats sont -ils si mauvais ? »

Rappel ✋🏻 :

Déterminer qu’un élève est à haut potentiel intellectuel ne se fait pas simplement. C’est l’apanage d’un. e psychologue clinicien.ne ou d’un, e neuropsychologue.

Être HPI signifie :

    • Avoir un quotient intellectuel supérieur à 130 (évalué par le WISK 5 jusqu’à 16 ans ou par le WAIS 4 au-delà de cet âge). Il peut y avoir des variations entre les différents indices mesurés conduisant le psychologue à diagnostiquer le haut potentiel pour un QI global inférieur à 130.
    • Avoir un mode de fonctionnement psychologique et affectif spécifique.

Poser un diagnostic de haut potentiel est une démarche clinique globale. Un fonctionnement cognitif très performant peut ne pas être à haut potentiel.

En quoi le profil HPI peut-il être source de difficultés scolaires ?

Les difficultés peuvent survenir en raison du mode de fonctionnement cérébral de la personne à haut potentiel intellectuel.

  • Le mode de pensée en arborescence.

    L’adolescent surdoué a une organisation cognitive spécifique, marquée par des particularités hémisphériques : le cerveau droit (émotionnel) est engagé en premier, favorisant un fonctionnement analogique, des associations d’idées (ce qu’on appelle la pensée en arborescence). Ce mode de pensée n’est pas linéaire, contrairement au mode de fonctionnement attendu par l’institution scolaire. Pour l’école, c’est le fonctionnement analytique, séquentiel ou encore cartésien, qui est privilégié.
    Les élèves à haut potentiel sont capables d’engager dans un second temps ce mode de réflexion et quand ils le font, ils ne rencontrent pas de difficulté. Mais il est souvent difficile au jeune HPI de justifier sa pensée, d’argumenter. Son cheminement intellectuel est difficile à comprendre pour une personne qui pense séquentiellement, ce qui peut donner de lui l’impression qu’il n’est pas clair, brouillon.

Au cours de leur scolarité primaire puis au collège, les jeunes doués ont pu se contenter de donner la réponse sans explications. Même s’ils n’obtenaient pas le maximum des points, ils pouvaient avancer d’année en année avec des résultats suffisants.
Arrivés à l’adolescence, au lycée, l’exigence de justification, d’abstraction, de structuration de la pensée devient plus prégnante. Mais parce qu’ils n’ont pas développé (suffisamment) de compétences métacognitives, certains élèves à haut potentiel se retrouvent alors en difficulté.

Quelles conséquences ?

👉🏻 Dégradation de l’estime de soi, généralement entamée depuis plusieurs années, car l’élève perçoit confusément depuis longtemps qu’il n’est pas « normal » de ne pas être capable de justifier sa pensée.

👉🏻 Désengagement du travail scolaire.

👉🏻 Opposition ou rébellion face à l’enseignant.

  • Le mode d’engagement de l’attention.

    Pour être attentif, l’élevé doué doit faire plusieurs choses à la fois. Solliciter la motricité (dessiner, bricoler ou bouger) lui permet d’activer son attention. On peut parfois avoir l’impression que l’adolescent est inattentif, à l’extrême, on peut même croire qu’il est atteint de troubles de l’attention.
    Quelles conséquences ?
    Une fois de plus, l’estime de soi est dégradée, l’adolescent ne comprenant pas la cause de son comportement.
    Des conflits peuvent éclater avec les enseignants, alimentés par la forte aversion à l’injustice qui caractérise ces élèves (voir infra).
    Ces conflits peuvent conduire à un désengagement, d’autant que la personnalité HPI est très dépendante des relations affectives (idem).
    Le seuil d’activation de l’attention.
    Pour les personnes à haut potentiel, le seuil d’activation de l’attention est élevé, les tâches perçues comme complexes vont stimuler l’élève et le pousser à travailler et à s’investir. A contrario, des tâches simples vont parfois être échouées, ou pas effectuées faute d’avoir réussi à activer le cerveau et éveiller l’intérêt du jeune.

Quelles conséquences ?

👉🏻 L’élève est considéré comme paresseux et/ou se considère comme tel, ce qui touche une fois de plus son estime de soi.
👉🏻 Il semble manquer de motivation. Une fois de plus, des conflits peuvent survenir, avec leurs conséquences habituelles : désengagement, perte de sens.

Attention, il peut y avoir effectivement démotivation ou trouble de l’attention. Il appartient au praticien d’être particulièrement vigilant.

  • L’hyperesthésie.

    Les personnes à haut potentiel intellectuel ont généralement une sensibilité exacerbée d’un ou plusieurs sens. Parfois, il leur est difficile de trier l’ensemble des informations apportées.

Ils sont fréquemment très sensibles au bruit et à l’agitation qui les entoure, ce qui leur demande de mobiliser beaucoup d’énergie. Le contexte scolaire est à ce titre très exigeant pour ces élèves et peut les conduire à limiter le contact avec leurs pairs, donnant l’impression d’être peu sociables.

Quelles conséquences ?

👉🏻 Une plus grande fatigabilité.
👉🏻 Des relations avec les autres difficiles (ce qui est accru par le sentiment de décalage qu’ils ressentent fréquemment, voir infra).

  • La vitesse de traitement.
    Il peut paraître paradoxal que cette caractéristique puisse constituer une source de difficulté pour le jeune HPI.
    Le cortex préfrontal est activé de façon plus importante chez le HPI. La zone frontale contenant deux fois plus de neurones, les informations circulent plus vite entre les deux hémisphères donnant au cerveau la capacité de traiter les informations beaucoup plus rapidement. Toutes les zones cérébrales peuvent être activées simultanément, ce qui explique la rapidité de traitement.

Chez l’enfant, il peut y avoir une hétérogénéité entre l’indice de compréhension verbale et l’indice visuospatial. Le hiatus entre la rapidité de déploiement de la pensée et une relative lenteur du geste graphique pouvant se traduire par un écrit difficile : dysgraphie, dysorthographie, l’élève peut même sembler dyslexique (alors qu’il ne l’est pas réellement).

Quelles conséquences ?

👉🏻 Cette difficulté s’étant installée, elle peut devenir insurmontable au lycée où l’importance de l’écrit s’accroît, conduisant à un désinvestissement de l’écrit, voire de l’école.

D’autre part, l’élève à haut potentiel bénéficie en plus de sa grande rapidité de traitement de l’information, d’une très bonne mémoire de travail et à long terme. Par conséquent, il est fréquent qu’il n’acquière pas l’habitude de fournir des efforts.

Quelles conséquences ?
👉🏻 Manque de capacité de travail.
👉🏻 Lorsqu’une difficulté apparaît au lycée, en relation avec une nouvelle discipline par exemple. Le jeune HPI pourra rapidement se démobiliser, perdre sa confiance en lui. Surtout s’il n’a pas développé de compétences métacognitives.

  • Les difficultés liées aux traits de personnalité spécifiques.

La difficulté à percevoir les implicites et la rigueur lexicale.
La perception des implicites est problématique pour le jeune HPI. Il a du mal à se représenter ce que l’autre veut dire (pense), car il envisage beaucoup de possibilités. La rigueur (raideur) lexicale dont il peut faire preuve complique également sa compréhension de ce qu’expriment les autres.

Quelles conséquences ?
👉🏻 Un sentiment de décalage dans sa relation avec autrui.
👉🏻 Des erreurs d’interprétation des consignes
👉🏻 l’élève peut sembler chicaneur pour le professeur, à l’inverse, il peut renoncer à communiquer.
Une fois de plus, la confiance en soi de l’élève est affectée.

  • L’empathie.

    L’empathie, capacité à percevoir les émotions d’autrui, est également une caractéristique du profil HPI. C’est certes une qualité, mais l’empathie conduit le jeune à percevoir une très grande quantité d’émotions. Il n’est d’ailleurs pas toujours en mesure de discerner leur origine et peut ressentir un malaise diffus en raison d’une mauvaise ambiance de classe par exemple. L’empathie apporte beaucoup d’informations. Elles peuvent dépasser l’adolescent, provoquer des crises. D’autant plus si son développement psychoaffectif est en décalage avec ses capacités cognitives, ce qui peut donner une impression d’immaturité.

Quelles conséquences ?
👉🏻 Une plus grande fatigabilité.
👉🏻 Un stress provoqué par les émotions perçues.

  • L’hypersensibilité.

    L’hypersensibilité est à distinguer de l’hyperesthésie. Il s’agit d’une sensibilité aux émotions et non aux stimuli sensoriels. Elle est donc à rapprocher de l’empathie. Le HPI vit quotidiennement de grandes fluctuations émotionnelles (positives comme négatives). Cette hypersensibilité lui est consubstantielle et lui demande de gros efforts. Elle se traduit par une hyperréactivité, de la susceptibilité. Elle peut être cause de comportements excessifs en cas de trop-plein ou à l’inverse conduire à une apparence de froideur, d’absence d’affect. L’hypersensibilité n’est pas un manque de maturité affective.
    À l’hypersensibilité s’ajoute une forte aversion à l’injustice. Une perception exacerbée de la souffrance des autres.

 

Quelles conséquences ?

👉🏻 Pour le jeune, c’est une source de fatigue, de stress.
👉🏻 Les enseignants peuvent être déroutés par le comportement excessif de l’élève.
👉🏻 Le jeune peut être conduit à adopter des comportements d’opposition, d’argumentation permanente, voire de rébellion s’il juge que ses valeurs de justice sont bafouées. Cette attitude peut rapidement devenir problématique dans le cadre scolaire.

Conclusion : Le mode de pensée atypique des HPI entraîne des particularités dans leur rapport au monde, aux apprentissages et aux relations qui sont renforcées par une organisation de la personnalité qui leur est propre. Le défi est de déterminer la cause des difficultés que rencontre le jeune. Les symptômes n’étant pas très différents d’une jeune à l’autre : manque de travail, comportement non conforme aux attentes scolaires, résultats insuffisants. Le diagnostic de haut potentiel n’étant pas forcément établi, il convient de faire preuve de discernement pour proposer à l’adolescent l’aide adaptée.

Découvrez le site de l’ANPEIP (association nationale pour les enfants intellectuellement précoces)

(sources : Betts, G. T. & Neihart, M. (1988). Profiles of the Gifted and Talented. Gifted Child Quarterly, vol. 32 (2), pp. 248-253). Betts, G. T. & Kercher, J. K. (1999). The Autonomous Learner Model : Optimizing Ability. Greeley, Colorado, USA. ALPS Publishing. Perrodin-Carlen, D. (2006,2007). Et si elle était surdouée? Editions : SZH/CSPS, Lucerne, (pp. 61-63).)

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